Vers une analgésie sans effets secondaires indésirables

Une collaboration internationale impliquant l’équipe de Frédéric Simonin a permis d’identifier de nouveaux composés analgésiques opioïde puissants mais avec des effets secondaires atténués. Ce travail est publié dans la revue Journal of Medicinal Chemistry.

Découvrir un anti-douleur dépourvu d'effets secondaires, c'est le graal recherché par de nombreuses équipes académiques et l'industrie pharmaceutique. En effet, les opiacés comme la morphine, dont l'action analgésique est liée principalement à sa capacité à activer le récepteur opioïde mu, sont encore aujourd'hui les molécules les plus utilisées en clinique et ce malgré de très nombreux effets secondaires à court et à long terme comme la dépression respiratoire, la constipation, la tolérance (diminution de l'effet analgésique au cours du temps) et la dépendance.

Une étude précédente impliquant l'équipe de Frédéric Simonin, celle de Frédéric Bihel du Laboratoire d'Innovation Thérapeutique (Illkirch) et celle de Steven Ballet (Vreii University of Bruxelles) avait identifié un nouveau composé à dualité d'action: agoniste mu biaisé - antagoniste des récepteurs du neuropeptide FF (NPFF1 et NPFF2). Ce composé (le KGFF09) présentait un effet analgésique puissant avec des effets secondaires atténués. Cependant, il présentait encore une altération de la coordination motrice lors d’une l'administration aiguë et un syndrome de sevrage significatif.

Dans un travail publié récemment dans la revue Journal of Medicinal Chemistry, les équipes ont tenté d'améliorer encore ces ligands au moyen d'une étude approfondie des relations structure-activité. Cette étude a mis en évidence des caractéristiques structurelles importantes pour maintenir la signalisation de la protéine G et réduire le recrutement de la bêta-arrestine au niveau du récepteur mu-opioïde (supposée être à l’origine de certains effets secondaires), ainsi qu'une activité antagoniste au niveau des récepteurs des neuropeptides FF1 et FF2 dont le blocage permet de limiter certains effets secondaires indésirables des opiacés. Les chercheurs ont caractérisé les composés les plus prometteurs in vivo et montré qu'ils ne produisaient aucune altération de la coordination motrice, aucune dépression respiratoire, aucune hyperalgésie, une tolérance analgésique significativement moindre et une forte atténuation du syndrome de sevrage en comparaison avec la morphine ainsi que l’agoniste mu-opioïde biaisé TRV130 (ou oliceridine) récemment approuvé par la FDA.

Ces propriétés font de ces nouveaux composés des candidats prometteurs pour le développement de nouveaux analgésiques plus sûrs, plus efficaces et avec des effets indésirables à court et à long terme limités.

 

Article :

De Neve J#, Elhabazi K#, Gonzalez S, Herby C, Schneider S, Utard V, Fellmann-Clauss R, Petit-Demouliere N, Lecat S, Kremer M, Ces A, Daubeuf F, Martin C, Ballet S*, Bihel F*, Simonin F* (2024). Multitarget μ-Opioid Receptor Agonists - Neuropeptide FF Receptor Antagonists Induce Potent Antinociception with Reduced Adverse Side Effects. J Med Chem 67(9):7603-7619. doi: 10.1021/acs.jmedchem.4c00442.